Biographie de Jules Verne

 Jules Gabriel Verne[4] naît au 4 de la rue Olivier-de-Clisson, à l'angle de la rue Kervégan sur l'île Feydeau à Nantes, au domicile de sa grand-mère maternelle, Sophie Marie Adélaïde-Julienne Allotte de la Fuÿe (née Guillochet de La Perrière)[5],[N 1]. Il est le fils de Pierre Verne, avoué[6], originaire de Provins, et de Sophie Allote de la Fuÿe, issue d'une famille nantaise de navigateurs et d'armateurs, d'ascendance écossaise[N 2]. Jules est l'aîné d'une fratrie de cinq enfants, comprenant son frère Paul(1829-1897), qui sera marin, mais aussi écrivain, et trois sœurs, Anne dite Anna (épouse du Crest de Villeneuve), née en 1836, Mathilde (épouse Fleury), née en 1839, et Marie (épouse Guillon, mère de Claude Guillon-Verne), née en 1842. En 1829, les Verne s'installent au no 2 quai Jean-Bart (à une centaine de mètres du lieu de naissance de leur fils aîné)[5], où naissent Paul, Anna et Mathilde. En 1840, la famille connaît un nouveau déménagement dans un immeuble imposant au 6, rue Jean-Jacques-Rousseau[5], proche du port, où naît Marie[N 3].

En 1834, à l'âge de six ans, il est mis en pension dans une institution tenue par une certaine Mme Sambin, veuve putative[N 4] d'un capitaine de cap-hornier[7].

Il entre avec son frère au collège Saint-Stanislas, un établissement religieux conforme à l'esprit très catholique de son père (d'une façon générale, le lycée Royal n'a pas bonne réputation dans la bourgeoisie nantaise), en [8]. On y trouve quelques traces de ses premiers succès scolaires, dont voici le palmarès[9] : 

  • en septième : 1er accessit de mémoire, 2e accessit de géographie ;
  • en sixième : 1er accessit de thème grec, 2e accessit de version grecque, 3e accessit de géographie ;
  • en cinquième : 1er accessit de version latine.

De plus, plusieurs accessits de musique vocale montrent son goût pour cette matière, goût qu'il conservera toute sa vie[N 5].

De 1844 à 1846, Jules Verne est pensionnaire au petit séminaire de Saint-Donatien (bâtiments occupés par l'actuel lycée professionnel Daniel-Brottier à Bouguenais)[N 6],[10], où il accomplit la quatrième, la troisième et la seconde. Son frère le suit, en pension comme lui. Dans son roman inachevé Un prêtre en 1839[11], Jules Verne décrit ce petit séminaire de façon peu élogieuse[12].

Pierre Verne achète à Chantenay, en 1838[13], une villa pour les vacances, toujours existante au 29 bis, rue des Réformes, face à l'église Saint-Martin de Chantenay[14],[5] (le musée Jules-Verne, situé également à Chantenay, est installé dans un bâtiment sans relation à la famille Verne). Toute la famille aime à se retrouver dans cette maison de campagne[15].

Les vacances de Jules Verne se passent également à Brains (à 20 km au sud-ouest de Nantes), dans la propriété que son grand-oncle Prudent Allotte de la Fuÿe a achetée en 1827/1828 au lieu-dit « La Guerche »[16]. Prudent Allotte de la Fuÿe est un ancien armateur, « vieil original, célibataire autoritaire et non conformiste »[17], qui a beaucoup voyagé avant de revenir s'installer au pays natal. Il est maire de Brains de 1828 à 1837[18]. Le jeune garçon aime à faire d'interminables parties de jeu de l'oie avec le vieux bourlingueur[N 7].

Lycée Royal de Nantes (actuellement lycée Georges-Clemenceau) où Jules Verne étudia.

Une légende veut qu'en 1839, à l'âge de onze ans, le petit Jules aurait tenté de s'embarquer sur un long-courrier en partance pour les Indes, en qualité de mousse[19]. Son père l'aurait récupéré in extremisà Paimbœuf. Jules Verne aurait avoué avoir voulu partir pour rapporter un collier de corail à sa cousine, Caroline Tronson, dont il était amoureux. Rudement tancé par son père, il aurait promis de ne plus voyager qu'en rêve. Ce n'est qu'une légende enjolivée par l'imagination familiale[N 8] car, dans ses Souvenirs d'enfance et de jeunesse, il raconte qu'il est monté à bord d'un voilier, l'a exploré, a tourné le gouvernail, etc., ce en l'absence d'un gardien, ce qui lui vaut la réprobation du capitaine[20].

De 1844 à 1846, Jules et Paul étudient au lycée Royal de Nantes (actuellement lycée Clemenceau)[21]. Jules Verne fréquente en compagnie de ses camarades le Cercle des externes du collège Royal, qui se tient dans la librairie du Père Bodin, place du Pilori[22]. Après avoir terminé les classes de rhétorique et philosophie, il passe les épreuves du baccalauréat à Rennes et reçoit la mention « assez bien », le [23].

En 1847, il est envoyé à Paris par son père, prioritairement pour suivre ses études, mais aussi peut-être parce qu'on voulait ainsi l'éloigner de Nantes. En effet, Caroline Tronson (1826-1902), sa cousine dont il est épris, doit se marier le  de la même année avec Émile Dezaunay, un homme de quarante ans originaire de Besançon[24]. Jules Verne en conçoit une amertume profonde au point d'écrire à sa mère, six ans plus tard, lorsque cette dernière lui demande de les accueillir à Paris : « Je serai aussi aimable que le comporte mon caractère biscornu, avec les nommés Dezaunay ; enfin sa femme va donc entrevoir Paris ; il paraît qu'elle est un peu moins enceinte que d'habitude, puisqu'elle se permet cette excursion antigestative[25] ». Caroline Tronson, après son mariage avec Dezaunay, aura cinq enfants[26].

Portrait de Jules Verne à 25 ans

Après un court séjour à Paris, où il passe ses examens de première année de droit[27], il revient à Nantes pour préparer avec l'aide de son père la deuxième année[N 9]. C'est à cette époque qu'il fait la connaissance de Rose Herminie Arnault de La Grossetière, née en 1827, pour laquelle il va éprouver une violente passion[28]. Son premier cahier de poésie contient de nombreuses allusions à la jeune femme, notamment Acrostiche ou La Fille de l'air[29]. L'amour a peut-être été un moment partagé mais aucune source ne vient corroborer la chose. Les parents d'Herminie voient d'un mauvais œil leur fille se marier à un jeune étudiant dont l'avenir n'est pas encore assuré[30]. Ils la destinent à Armand Terrien de la Haye, un riche propriétaire de dix ans son aîné. Le mariage a lieu le [31]. Jules Verne est fou de rage. Il écrit de Paris à sa mère une lettre hallucinante, sans doute composée dans un état de semi-ébriété. Sous couvert d'un songe, il crie sa douleur du mariage d'Herminie en un récit de vengeance de noces maudites : « La mariée était vêtue de blanc, gracieux symbole de l'âme candide de son fiancé ; le marié était vêtu de noir, allusion mystique à la couleur de l'âme de sa fiancée ! » ou « La fiancée était froide, et comme une étrange idée d'anciens (sic) amours passait en elle »[32]. Cet amour avorté va marquer à jamais l'auteur et son œuvre, dans laquelle on trouvera un nombre important de jeunes filles mariées contre leur gré (Gérande dans Maître Zacharius ou l'Horloger qui avait perdu son âme, Sava dans Mathias Sandorf, Ellen dans Une ville flottante, etc.) au point que Christian Chelebourg parle du « complexe d'Herminie » pour les Voyages extraordinaires[33]. L'écrivain gardera également une rancune à l'encontre de sa ville natale et de la société nantaise, qu'il pourfendra dans certaines poésies, notamment La Sixième Ville de France et Madame C…, une violente diatribe visant sans doute une des commères de la ville[34].